274 personnes ont péri dans l’explosion d’une mine de charbon, et 120 mineurs sont toujours coincés sous terre. Des manifestations ont eu lieu dans le pays pour dénoncer la «négligence» du gouvernement.
Le bilan de l’explosion dans une mine de charbon en Turquie s’est alourdi mercredi à 274 morts, a annoncé le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Il a évoqué une «enquête approfondie», sur les causes de l’accident, l’une des pires catastrophes industrielles qu’ait connue la Turquie. «Nous ne sommes pas surs à 100% mais il y a environ 120 mineurs en bas», piégés, a ajouté Erdogan. Il a rejeté toute responsabilité de son gouvernement, au pouvoir depuis 2002 et accusé de négligence dans ce drame, affirmant «que les accidents au travail arrivent partout dans le monde».
Trois jours de deuil national ont été décrétés à compter du jour de la catastrophe. Le drame est l’une des pires catastrophes industrielles de la Turquie. 787 employés se trouvaient dans la mine au moment de l’explosion mardi après-midi, selon les autorités.
Le gouvernement est sous le feu des critiques pour une éventuelle négligence tandis que des dirigeants syndicalistes ont appelé les ministres du Travail et de l’Energie à démissionner. Selon les médias locaux, trois semaines auparavant, le parlement a refusé de former une commission pour faire un état des lieux sur la sécurité des mines en Turquie. Les trois partis d’opposition ont introduit des propositions qui ont été toutes refusées par l’AKP, le parti majoritaire de la justice et du développement.
Lors de son intervention devant les médias à la mairie de Soma, Erdogan a balayé les critiques, sermonnant un journaliste de «ne pas être au courant des accidents de mine» et de donner des exemples d’accidents survenus au 20e siècle dans plusieurs pays, dont la Grande-Bretagne. Des habitants de la ville ont hué Erdogan à sa sortie, criant «gouvernement démission», selon l’agence de presse Dogan.
Le ministère du Travail a, quant à lui, publié un communiqué dans lequel il affirme que la mine de Soma a été contrôlée en mars dernier et qu’aucune contrariété aux réglementations en vigueur n’a été relevée. Mais Taner Yildiz a voulu rassurer : «S’il y a eu négligence, nous ne fermerons pas les yeux. Nous prendrons toutes les mesures nécessaires, dont des mesures administratives et légales», dans un pays où les accidents de travail sont très nombreux. D’ailleurs le bureau du procureur régional a lancé mercredi une enquête judiciaire sur cet accident.
Manifestations sporadiques
Des milliers de manifestants se sont heurtés à Istanbul à la police anti-émeute turque. Les manifestants, dont la plupart appartenaient à des syndicats de gauche, ont scandé des slogans antigouvernementaux.
La police anti-émeutes a dispersé avec des grenades lacrymogènes une manifestation d’étudiants à Ankara qui conspuaient le gouvernement de Erdogan et d’autres manifestation sporadiques ont été organisées dans les grandes villes, notamment Istanbul. Le régime turc a été la cible d’une fronde inédite l’été dernier pendant laquelle des millions de personnes sont descendues dans les rues à travers le pays pour dénoncer son «autoritarisme» et sa «dérive islamiste». Plus de 80 personnes ont été blessées dans le drame, dont quatre grièvement.
Mercredi matin des équipes de secouristes continuaient frénétiquement à travailler sur le site, tenant les journalistes et les badauds à une certaines distance de la zone.
Le ballet des ambulances a repris dès le petit jour autour du puits, mais à un rythme nettement plus lent que la veille. Pendant la matinée, moins d’une dizaines de mineurs ont été sortis de leur piège souterrain par les dizaines de sauveteurs qui continuent à se presser. La plupart d’entre eux étaient morts, enveloppés de la tête au pied dans une couverture. Seul l’un d’entre eux, apparemment inanimé, portait un masque à oxygène et a été évacué rapidement sur un hôpital de la région.
A chaque passage d’un brancard, des mains s’accrochent pour tenter d’arracher la couverture qui recouvre les dépouilles.
Sur un mobile home, des agents de l’AFAD, l’agence turque en charge des situations d’urgence, ont affiché de longues listes portant les noms de blessés, avec leur lieu d’hospitalisation. Bahar Galici la parcourt longuement puis se retourne. «Toujours rien», soupire la jeune femme.
Hasan Celik, mineur, travaille dans le puits accidenté mais était de repos mardi : «En ce moment il y a dix, quinze personnes qui sont en cours de remontée et les volontaires essaient d’en sortir d’autres.» Mais l’attente est insupportable pour les proches des mineurs.
«J’ai des parents à l’intérieur, notamment mon petit-fils, le fils de ma sœur. Je suis là depuis 16 heures hier après-midi. Les trois travaillaient dans le même puits», explique Cemile Dag, une femme voilée d’une cinquantaine d’années.
Selon les premiers témoignages, l’explosion a apparemment été provoquée par un transformateur électrique. Les explosions dans les mines sont fréquentes en Turquie, en particulier dans celles du secteur privé où, souvent, les consignes de sécurité ne sont pas respectées. L’accident le plus grave est survenu en 1992 quand 263 mineurs ont été tués dans une explosion de gaz dans la mine de Zonguldak (nord), le plus grand bassin minier de charbon de Turquie.
(AFP)