La start-up russe Yota Devices vient de lancer un smartphone à double écran tactile. Son directeur veut jouer la carte de la nouveauté pour s’installer parmi les géants Apple ou Samsung.
Le Yota Phone est un smartphone biface. Côté pile : un écran classique ; côté face : une liseuse à encre électronique – DR
Ciao Nokia, bienvenue Yota. Trois mois exactement après la vente du dernier fabricant de mobiles européen à Microsoft , une start-up russe reprend le flambeau pour le vieux continent. Yota Devices a présenté hier à Moscou son « Yota Phone », un Android réversible : pile, un écran classique de smartphone tactile, face, une liseuse à l’encre électronique, économe en énergie et qui ne fatigue pas les yeux. Le tout dans un design soigné, légèrement bombé, avec un bon processeur, une caméra honnête et la 4G, pour 499 euros.
Le fabricant a commencé à livrer les 10.000 premiers exemplaires hier, pour l’instant exclusivement sur le marché russe, où il a fait affaire avec les deux principales chaînes de distributeurs spécialisés, Sviaznoy et Evrocet.
Le smartphone biface est également en vente sur yotaphone.com en Autriche, en France, en Espagne, en Allemagne, et au cours des trois prochains mois il devrait arriver en boutique en Europe de l’Ouest ainsi qu’en Egypte et en Arabie saoudite. Orange, SFR et Bouygues Telecom testent l’appareil en vue de le distribuer éventuellement.
Ce terminal est le fruit de deux ans et demi de développement, explique Vlad Martynov, le directeur général de Yota Devices : « Nous avons réussi à construire l’équipe (80 personnes), bâtir l’écosystème, trouver des fournisseurs encore plus rapidement que Nokia au lancement de son Communicator il y a dix ans ! ».
La petite société a financé cette innovation avec les bénéfices tirés de la vente de ses routeurs et modems 4G (3 millions d’exemplaires vendus en trois ans, et 6% de part de marché mondial), mais aussi grâce aux apports de son actionnaire Woodenfish. Ce fonds d’investissement local détient quasiment la totalité du capital.
Il est devenu riche cette année en vendant l’opérateur 4G Yota, dont est issu Yota Devices, à un grand opérateur mobile russe nommé Megafon.
Cet investisseur de l’ombre a décliné la marque Yota un peu à la façon d’un Virgin, dans le jeu ou la banque. Le montant investi n’a pas été précisé. «C’est beaucoup moins que les grands du smartphone », commente juste Vlad Martynov.
Jouer une nouvelle carte
La capacité de Yota à percer parmi les mastodontes Apple, Samsung, LG, etc, reste à prouver, même sur une niche du marché.
Nokia s’est vendu aux Américains précisément car il n’avait plus les moyens de rester dans la course au marketing à l’échelle globale. Vlad Martynov croit qu’il est possible de jouer une autre carte, celle de la nouveauté, avec un smartphone qui ne ressemble pas aux « boîtes noires » toutes identiques qu’on voit partout – noires parce que l’écran se met en veille, contrairement à la liseuse du Yota.
L’entreprise a donc déposé une petite trentaine de brevets pour protéger son design et ses technologies. La clef du succès sera sans doute dans la capacité à créer un écosystème d’applications spécifiques au double écran. Là encore, Yota ne peut pas payer les développeurs, et n’offre pas la perspective de gros volumes.
« Mais la communauté Android n’est pas seulement motivée par les applications commerciales, nous faisons en sorte qu’ils soient excités par nos projets », argumente Vlad Martynov. Il faudra aussi convaincre Amazon d’ajouter à ses livres numériques un bouton « envoyer vers l’écran de la liseuse », et de manière générale séduire les principaux géants de l’Internet mobile. Le jeune dirigeant qui a passé une année à faire la tournée des opérateurs télécoms et à rencontrer blogueurs et journalistes n’est donc pas prêt de poser ses bagages
(Solveig Godeluck | www.lesechos.fr)