Après 17 jours de pourparlers acharnés, les négociateurs ont arraché un compromis mettant fin à l’une des plus graves crises de la décennie.
Ils y sont finalement arrivés. Après dix-sept jours de négociations marathon, les représentants de l’Iran et des grandes puissances ont arraché un compromis sur l’épineux dossier du nucléaire iranien, mettant fin à l’une des plus graves crises de la décennie. « Tout ce dur travail a payé. Dieu bénisse notre peuple », a déclaré à l’agence de presse Reuters un diplomate iranien sous le sceau de l’anonymat. L’information a été confirmée peu après à l’Agence France-Presse de source diplomatique.
L’officialisation de l’accord devrait avoir lieu dans la matinée. La « réunion plénière finale de l’E3/UE3 et de l’Iran aura lieu à 10 h 30 à l’ONU » à Vienne, a ainsi indiqué la porte-parole de l’UE, Catherine Ray, sur son compte Twitter, utilisant la désignation européenne du groupe P5+1 (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne). L’objectif de l’accord est de garantir que le programme nucléaire iranien ne peut avoir de débouchés militaires, en échange d’une levée des sanctions internationales qui étouffent l’économie du pays.
Maintien de l’embargo sur les armes
La nuit de lundi à mardi a été marquée par une intense activité diplomatique au palais Coburg, qui abrite les négociations depuis le 27 juin. À minuit, les ministres des grandes puissances ont encore participé à une réunion plénière, juste après un nouvel échange entre l’Américain John Kerry et le Russe Sergueï Lavrov, principaux artisans du futur accord. Officiellement, toutefois, celui-ci n’est pas encore formellement conclu.
Les négociateurs ont bataillé jusqu’à la dernière minute pour résoudre de derniers « points de désaccord », selon les termes de Josh Earnest, porte-parole du président américain Barack Obama. D’après Reuters, qui cite des sources diplomatiques, l’Iran aurait accepté le principe de « Snapback », à savoir un retour des sanctions sous 65 jours si Téhéran ne respectait pas ses engagements sur le nucléaire. En outre, les grandes puissances auraient maintenu l’embargo de l’ONU sur les armes à destination de l’Iran pour une durée de cinq ans, ainsi que l’embargo onusien sur les missiles pour huit ans.
Soupçons
Depuis le week-end, tous les acteurs assuraient que l’accord était quasi bouclé, mais que des « décisions politiques » restaient nécessaires. « Aucun accord ne peut être parfait », a rappelé le ministre chinois Wang Yi, revenu spécialement dans la capitale autrichienne pour les dernières heures de la négociation aux côtés de l’ensemble de ses homologues. L’accord, s’il est confirmé, se sera fait attendre : il était initialement prévu pour le 30 juin, mais cette date avait été repoussée à plusieurs reprises en raison de l’importance des enjeux.
L’Iran est soupçonné d’avoir mis en oeuvre, jusqu’en 2003 et peut-être au-delà, un programme nucléaire militaire sous le couvert d’activités civiles, ce qu’il a toujours nié. Depuis une dizaine d’années, les États-Unis, l’Union européenne et l’ONU imposent des sanctions à la République islamique pour la forcer à négocier. Les pourparlers n’ont vraiment commencé qu’en 2013 après l’élection du président Hassan Rohani sur la promesse d’une levée des sanctions.
En avril, à Lausanne, les négociateurs ont obtenu à l’arraché un accord-cadre qui a fixé les grands principes du texte final. L’Iran a notamment accepté de réduire le nombre de ses centrifugeuses et son stock d’uranium enrichi, ce qui doit rendre quasi impossible la fabrication rapide d’une bombe atomique. En prévision de l’accord, le ministre iranien de l’Intérieur a demandé aux autorités locales de se préparer à des scènes de liesse dans les rues, la population espérant que la levée des sanctions internationales permette une amélioration de ses conditions de vie en cas d’accord.
« Mauvais accord » (Israël)
La séquence de pourparlers viennois représente l’un des plus longs cycles de négociations internationales, au niveau ministériel et en un seul lieu, depuis celui qui a abouti aux accords de Dayton (États-Unis) ayant mis fin en 1995 à la guerre en Bosnie-Herzégovine. Les discussions se sont éternisées en raison de désaccords sur la durée de l’accord, le rythme de la levée des sanctions ou l’accès aux sites militaires iraniens. Les négociations ont également buté sur la levée de restrictions sur le programme balistique et le commerce des armes, réclamée par Téhéran avec le soutien de Moscou.
Les Occidentaux jugent cette demande délicate en raison de l’implication iranienne dans plusieurs conflits, en particulier en Syrie et en Irak. Les voisins de l’Iran, notamment Israël et les puissances sunnites, s’opposent d’ailleurs à un accord qui ouvre la voie à une normalisation pour Téhéran sur la scène internationale. Même en cas d’amélioration de dernière minute, l’accord sera « mauvais », a redit lundi le ministre israélien de la Défense, Moshe Yaalon, évoquant le risque d’une « course aux armements nucléaires » dans la région.