20 avril 2024

Parcours politique de Feu Ferhat Abbas

Le 27 août 1961, Ferhat Abbas est remplacé à la tête du GPRA par

Benyoucef Benkhedda.

Nous étions donc à sept mois du cessez-le feu, ce qui veut dire que

l’indépendance était acquise aux yeux de tous. Ce n’était plus qu’une question

de mois. Raison pour laquelle il est plus que normal de se poser la question de

savoir ce qui avait motivé cette destitution ?

Dans mon livre « La crise de l’été 1962 » j’ai essayé de comprendre.

Parce que depuis que j’entends parler de cette fameuse crise, je me demandais

comment un homme tel que Ferhat Abbas avait pu choisir un camp au détriment

d’un autre sans raison valable, lui le rassembleur, le réconciliateur, le

modérateur ? Etait-il possible que Ferhat Abbas lui aussi convoitait le pouvoir ?

Lui le leader de l’UDMA, qui avant de rejoindre le FLN avait déjà été accueilli

en chef d’état, et qui pourtant renonça au titre et aux honneurs, pour ne devenir

qu’un simple militant au sein d’un mouvement révolutionnaire qui n’avait même

pas encore en 1955 l’adhésion de tout le peuple algérien ? Comment pouvait-il

convoiter le pouvoir en 1962, alors qu’il y avait renoncé en 1955, après sa

rencontre avec Abane Ramdane ? Pouvait-il avoir rejoint Tlemcen uniquement

pour régler ses comptes avec Benkhedda, comme le disent ses détracteurs,

comme si Benkhedda avait tant de pouvoir au sein de la révolution devant les

trois fameux colonels, les 3B, qui y dictaient leurs lois, avec tout le respect que

je dois à leur mémoire, mais leurs frères de combat ont témoigné en ce sens ?

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Est-ce qu’un tel homme d’état qui a prouvé ses compétences aux yeux du

monde et dont on s’inclinait devant les multiples connaissances, la clairvoyance,

la finesse en politique, celui qui avait fait abnégation de sa vie pour que vive

libre la patrie algérienne, pouvait-il rentrer dans les magouilles de la dernière

heure pour la prise du pouvoir ?

Pour moi il était clair que cet homme ainsi décrit ne ressemblait en rien au

Ferhat Abbas que j’avais appris à connaître au fur et à mesure de mes années de

recherche approfondie.

Et il ressort de ma réflexion que ceux qui ont reproché à Abane d’avoir

fait appel à Ferhat Abbas, autrement dit ceux qui l’ont tué, sont ceux-là mêmes

qui ont destitué Ferhat Abbas de la présidence du GPRA, et l’indépendance

venue, voulaient, et ont réussi d’ailleurs, à être seuls au commande d’un navire

que Ferhat et les udémistes, ainsi que les oulémas, avaient contribué grandement

à mener à bon port.

Et il est clair que ce sont ceux-là mêmes qui, à l’indépendance du pays,

ont mené une croisade de la haine sans précédent dans le monde, contre un

homme intègre et désintéressé qui avait fait don de sa vie à sa patrie.

Ce sont ceux-là même qui se sont saisi de la question de la nation

algérienne, diffamant l’honneur de l’homme, non pas pour l’éliminer du circuit,

car pour cela ils auraient pu le tuer, mais ils ont préféré le laisser vivre afin de le

voir pointer du doigt par la jeunesse de l’indépendance, comme un traitre à cette

nation. Et eux se gargarisant de plaisir.

Et à ce niveau on pourrait se poser la question de savoir d’où il détenaient

ce pouvoir qui leur permettait d’exercer toutes leurs volontés ? Assurément ils

n’étaient pas seuls. Assurément ils étaient soutenus par tous les ennemis de notre

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peuple qui ne voulaient pas le voir heureux. Tous ceux qui ne voulaient pas voir

une Algérie républicaine, démocratique et moderne, se rangeant auprès des

grandes nations.

Et pour ne lui laisser aucune chance de ressurgir, car il savait l’homme,

capable de trouver une solution pour s’extirper de leur complot, ils décidèrent de

salir son honneur auprès de son peuple, en faisant véhiculer les propos sur la

nation algérienne, régulièrement, à toute occasion, dans tous les livres….Et

depuis une dizaine d’années avec Internet, ils ont redoublé de férocité.

Durant 50 ans, mais que dis-je, depuis plutôt 75 ans, c’est-à-dire depuis

1936, ils n’ont jamais senti la fatigue un seul jour, une manière de dire, on prend

du repos, on change de disque. Non c’est la même musique, funèbre bien sûr, de

celui qui a dit que la nation algérienne n’existe pas, abusant de la confiance de

nos jeunes étudiants, et de leurs lecteurs de tout bord.

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La nation algérienne

Cette question de la nation mérite que je m’y attarde aujourd’hui, même si

j’aurais voulu ne point embrumer ce bel hommage que nous rendons au grand

homme, ne pas avoir à remuer le couteau dans la plaie, car ma propre souffrance

a été immense lorsque j’ai découvert le complot ourdi contre lui depuis 1936 et

qui perdure à ce jour.

Ma tristesse lorsque dans « L’indépendance confisquée », j’ai découvert

Ferhat Abbas dans toute sa grandeur, obligé de s’expliquer à ce sujet, comme

s’il avait des comptes à rendre à des hommes sans honneur.

Non, l’homme ne s’est pas plié, ils ne sont pas arrivés à l’atteindre, mais

Ferhat Abbas savait que le message falsifié s’adressait à la jeunesse algérienne

de l’indépendance, cette jeunesse objet de ses préoccupations depuis toujours. Il

lui devait donc sa vérité.

Et l’on ne peut que parler de complot du fait que des historiens de renom,

des intellectuels algériens, des compagnons de lutte de Ferhat Abbas, des

penseurs que lui-même respectait et louait l’oeuvre, de les voir revenir les uns

après les autres véhiculant des propos dont aucun d’eux, et je dis bien aucun

d’eux n’a vérifié la véracité, parce que s’ils l’avaient fait, ils auraient découvert

le mensonge.

Mais là où le bât blesse, c’est qu’aujourd’hui une certaine élite,

algérienne, malheureusement, qui véhicule le message falsifié, reprenant le

flambeau pour matraquer la tombe, on ne va pas nous dire que cette élite n’a pas

été préparée pour. Cette dernière non plus n’a rien vérifié, si elle l’avait fait, elle

aurait découvert le mensonge, mais alors pourquoi véhiculer ce que l’on n’a pas

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vérifié soi-même ? Qu’est-ce qui explique cette union sacrée de la haine ? C’est

que le but justement n’est pas de dire ce qui est vrai, mais de véhiculer le faux.

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