Comme des soldats au garde-à-vous devant leur supérieur.
Comme des chiens de garde devant la maison du maître.
Comme des rois fainéants ignorants le labeur, alors que se diriger
simplement vers les archives et la vérité aurait parlé d’elle-même.
Ou alors ils auraient pu se taire.
Et ce qui encore afflige, c’est que les écoliers algériens, à leur si jeune âge
sont pris en otage de la désinformation, puisqu’il existe depuis quelques années,
sur les étalages des librairies algériennes, mis bien évidence, des petits
fascicules consacrés aux héros de la révolution algériennes, et dont celui
consacré à Ferhat Abbas, m’a choquée au plus haut point, pas seulement par ce
qu’il comporte de calomnieux, sur le grand homme, mais parce que son contenu
est un danger pour les enfants algériens, et même un crime contre eux, du fait
qu’ils sont trop jeunes pour comprendre ce dont cet auteur leur parle.
Et ce qui encore afflige, c’est que les représentants mêmes des droits de
l’homme, ceux censés défendre la dignité de l’être humain, se sont mis de la
partie, rejoignant la horde des comploteurs.
Cette horde de comploteurs, faisant table rase de ces 42 ans de combat
politique de Ferhat Abbas au service de son peuple, oubliant que c’est grâce à
cet homme, et à ses compagnons, que cette horde de comploteurs est instruite et
libre, sinon elle serait encore sous la coupe du code de l’indigénat, avec pour
seule nourriture de l’herbe et des racines, telle une bête de somme.
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Cette croisade de la haine contre ce grand homme est une honte, une
grande honte vis-à-vis des nations du monde qui nous regardent, et qui voient
ces intellectuels algériens, 50 ans après l’indépendance de leur pays, et après ce
qu’a vécu cet homme de malheureux, en train d’entacher sa mémoire, alors que
ces mêmes nations honorent Ferhat Abbas en lui rendant hommage. Pour seul
exemple le royaume chérifien qui lui a délivré en 2005, à titre posthume, le
Wissam alaouite, haute distinction remise au palais royal à son fils Abdelhalim
Abbas.
Mais il est vrai que véhiculer ces propos sur la nation algérienne est
devenu un passeport pour l’obtention d’un poste ou d’une promotion. En fait cet
acte est criminel, puisqu’il s’agit ici de l’honneur d’un homme, et de l’histoire
d’un peuple. Et qu’en agissant ainsi, ils se mettent sans le savoir au service
d’une idéologie, à penser qu’ils n’en fassent pas partie.
C’est à se demander d’où vient cette haine et qui attise le feu, et à qui
profite aujourd’hui le crime, de matraquer la tombe d’un homme mort depuis 26
ans et qui n’a jamais fait de mal à personne, ménageant jusqu’à l’occupant de
notre terre au nom d’un humanisme qui lui collait à la peau comme un autre luimême.
Il est nécessaire de rappeler quelque peu ici ce que j’ai écrit dans mon
livre « Ferhat Abbas. L’injustice » où je me suis longuement attardée sur cette
question de la nation algérienne, qui constitue le coeur de mon ouvrage,
démontrant scientifiquement, sur la base de preuves tangibles, que Ferhat Abbas
ne pouvait avoir écrit quoique ce soit au sujet de la nation algérienne un 23
février 1936 dans le journal L’Entente, puisque cette date retenue par la majorité
des historiens, est un dimanche, jour de repos hebdomadaire, et que L’Entente
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hebdomadaire, paraissait le jeudi. Ceci est une preuve parmi d’autres que j’ai
données dans mon livre.
Et admettons, comme ils le disent que Ferhat Abbas aurait dit que la
nation algérienne n’existe pas, se pose alors la question de savoir pourquoi ces
historiens n’ont jamais brandi l’original de l’article en question. S’il n’a pas été
brandi de 1936 à ce jour, c’est que cet article n’existe pas, puisque le 23 février
1936 est un dimanche, jour de repos hebdomadaire durant la période coloniale.
Et il est étonnant de constater que cette question de la nation surgisse
justement en 1936, l’année du Congrès musulman, une année de l’union des
élites indigènes francophone et arabophone, quelque soit sa tendance politique,
l’union sacrée dans le but de libérer la patrie.
Cette union sacrée si chère à Ferhat Abbas de 1920 à son livre posthume
« Demain se lèvera le jour » sur laquelle, il a encore insisté.
Comment se relever de la traîtrise ? Le grand homme se relèvera, mais il
vivra très mal le fait qu’on ait fait de Ben Badis, cet homme pour lequel il avait
respect et amitié, celui qui l’aurait fustigé par rapport à la question de la nation.
Les propos de Ben Badis s’adressaient aux indigènes naturalisés qui, pour
cette naturalisation avaient renoncé à leur foi. Comme les avaient d’ailleurs
fustigés, l’émir Khaled à son époque.
Mais ici, les détracteurs de Ferhat Abbas se sont trompés de cible, car
Ferhat Abbas ne s’était pas naturalisé français. Et le président de l’association
des Oulémas n’était pas sans l’ignorer. Donc en s’exprimant au sujet des
naturalisés, ce n’est pas à Ferhat Abbas que Ben Badis s’adressait.
Mais au fond que nous importe que Ferhat Abbas aurait écrit ou non en
1936 que la nation algérienne n’existerait pas, lorsque nous savons ce qu’il
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donna de lui-même à cette même nation, et qu’il a bel et bien répondu présent
au moment où cette nation avait besoin de tous ses enfants pour faire sa
révolution. Et c’est cela le plus important.
Il est clair que les Algériens ne sont pas dupes, sinon comment expliquer
cet engouement autour de l’édition algérienne de l’oeuvre de Ferhat Abbas ?
Si les Algériens ne sont pas dupes et que la théorie du complot est
désormais acquise pour nombre d’entre eux, vous autres Sétifiens qui avaient
connu Ferhat Abbas, ou ceux, plus jeunes dont les parents n’ont pas pu ne pas
leur transmettre le message concernant cet homme prodigieux, dont la fibre
nationaliste est au dessus de tout soupçon, vous les sétifiens de son coeur, vous
êtes mieux placés que quiconque pour savoir.
Conclusion
Voilà l’itinéraire d’un homme d’une exceptionnelle qualité, un homme
qui ne s’est tant démené que pour voir son peuple heureux. Il est notre fierté,
n’en déplaise à ses détracteurs. Et puisque l’occasion se prête, permettez-moi au
nom de mon algérianité, de lui dire « Merci », et surtout de nous pardonner nos
anciens silences dont ses détracteurs ont profité.