Révolution algérienne
Raison pour laquelle, Abane Ramdane, en fin stratège lui-même, ne voyait
pas la révolution algérienne se faire et atteindre son but, sans Ferhat Abbas et les
udémites, parce qu’il savait ce que l’homme et ses compagnons avaient donné
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d’eux-mêmes à leur patrie avant 1954, ce que Ferhat était, en tant qu’homme
intègre et désintéressé.
Ferhat Abbas mit à son tour, au service du FLN d’abord ses troupes
d’élites dans le sens de têtes pensantes, bien sûr, faites d’hommes de grande
envergure et qui prouveront leurs compétences durant cette révolution, et ensuite
les adhérents et de sympathisants qui se comptaient par milliers sur le territoire
national, et auxquels il donna le mot d’ordre de rejoindre le FLN.
Il mit ensuite au service du FLN sa connaissance poussée de l’adversaire,
son aura nationale et internationale, son expérience en politique rôdée depuis
1920, et qui avait fait de lui quelques années plus tard, un interlocuteur de
qualité auprès des nations du monde en tant que président du GPRA.
Et il a remis surtout au FLN et ceci est d’une extrême importance un
carnet d’adresses qu’il était seul à détenir, puisqu’en tant que leader de
l’UDMA, mais aussi depuis les années 1930, il avait déjà eu à rencontrer des
personnalités internationales de renom et non seulement politiques. Ferhat
Abbas avait donc des portes ouvertes et non des moindres, partout dans le
monde, qui vont servir grandement la révolution algérienne.
Imaginons un seul instant que Ferhat Abbas aurait refusé la main tendue
de Abane Ramdane, et qu’il aurait refusé de dissoudre l’UDMA, et bien il serait
clair que les membres du CRUA au nombre de 22 au départ n’auraient pas été
bien loin, même rejoints par tous les MTLD, car l’UDMA était un parti
d’envergure nationale au nombre d’adhérents fulgurant, et sur le plan
international, Ferhat Abbas était déjà considéré comme le représentant officiel
du peuple algérien. Et cela n’avait pas échappé à Abane Ramdane.
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Imaginons un seul instant les nations du monde qui avaient jusque là, pour
seul interlocuteur Ferhat Abbas, qui avec son parti avait fait déjà une bonne
partie du travail diplomatique, et aucune guerre ne se gagne seulement au fusil,
et le travail diplomatique ne peut se faire qu’avec l’action d’intellectuels
chevronnés, et pour la question politique, la diplomatie est une seconde nature.
Ferhat Abbas, n’a été élu président du GPRA que parce qu’en 1958, il
apparaissait à tous qu’il était le seul homme à pouvoir occuper un poste d’une
telle importance, ce qui explique sa nomination à l’unanimité des hommes de
novembre, comme l’atteste, Ali Haroun, membre du CNRA.
Ferhat Abbas n’a pas été élu président du GPRA en 1958 seulement pour
ses capacités multiples, en effet, il était membre du CEE et du CNRA, il est
surtout connu pour être un homme de savoir, pluridisciplinaire, ses
connaissances approfondis des questions du monde, sa connaissance poussée de
l’adversaire, mais aussi, parce qu’il fut le plus historique des historiques
puisqu’il entra en politique à l’âge de 20 ans au nom d’une question primordiale
à ses yeux, la question de l’algérianité, sans oublier l’homme de coeur, toujours
auprès des plus démunis de son peuple, président de l’association El Kheiriya de
Sétif, qui s’occupait aussi de la circoncision des petits orphelins.
Mais il n’a pas été élu président du GPRA, seulement pour les raison que
nous venons de citer, mais à l’assassinat du valeureux Abane Ramdane, il
apparut aux hommes de novembre comme l’homme du consensus à même de
pouvoir ressouder les troupes affligées par l’assassinat de leur chef par sa propre
famille révolutionnaire.
Mais encore parce que Ferhat Abbas et Abane Ramdane étaient liés d’une
amitié profonde, faite de respect et d’admiration l’un pour l’autre depuis le
fameux jour de 1955 où Abane le rassembleur accompagné de Omar El karma
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frappa à la porte de la maison de Ferhat Abbas, pour lui demander de dissoudre
l’UDMA et de rejoindre le FLN au Caire.
Cette amitié connue de tous ne pouvait que rassurer les troupes de ne pas
voir l’un de ceux qui avait de l’animosité envers Abane, accéder à ce poste non
seulement de prestige, mais duquel dépendait l’avenir de tout un peuple. Et pour
l’occuper, il fallait la bravoure, car la vie du président du GPRA, est une vie
sous la menace, car il va sillonner le monde, pour plaider la cause, et un tueur
embusqué peut se trouver n’importe où, dans n’importe quel pays.
Et de surcroît, Ferhat Abbas était le seul homme dont tous reconnaissaient
l’intégrité et l’abnégation.
Ferhat Abbas a été un excellent président. Qui pourrait en douter ? Il a été
un excellent président, et ce n’est pas moi qui le dis, mais ses compagnons de
lutte et les personnalités internationales qui avaient eu à le rencontrer. En chef
d’état, il avait toutes les qualités pour remplir la mission qui lui a été confiée, et
il n’est pas nécessaire de citer de nouveau toutes les qualités qui étaient siennes,
jusque dans la prestance.
L’Algérie combattante avait donc de quoi être fière d’être si bien
représentée.
Personne donc ne pouvait imaginer que Ferhat Abbas ne serait pas le
premier président de l’Algérie indépendante, tant il était acquis pour tous que cet
homme exceptionnel ne pouvait que diriger ce pays fraîchement indépendant qui
allait avoir besoin de toutes ses compétences pour relever le défis de garder le
pays debout après le départ des Français, et surtout de sortir la population dite
indigène de la misère et de l’ignorance où cette même France l’avait laissée. Et
il semblait clair à tous que seul Ferhat Abbas avait les compétences requises
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pour faire accéder l’Algérie indépendante au développement et faire de ce pays
meurtrie une grande nation.
De ce fait personne ne pouvait penser que Ferhat Abbas serait destitué un
jour de la présidence du GPRA, et à sept mois à peine du cessez- le feu, cela
était inimaginable.