La sonde américaine Curiosity a découvert à la surface de Mars des preuves directes de l’existence de ce qui fut autrefois un lac d’eau douce. Que signifie concrètement cette découverte ? Peut-on vraiment parler de « révolution scientifique » ? Éclairage de François Forget, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de la planète rouge.
Curiosity a pour la première fois découvert à la surface de Mars des preuves de ce qui fut autrefois un lac d’eau douce (NASA/SIPA).
Grâce à Curiosity, nous avons désormais de nouvelles preuves de l’existence d’eau douce sur Mars autrefois. C’est un progrès indiscutable. Il est de coutume, en effet, de considérer que, pour que la vie telle qu’on la connait aujourd’hui soit possible quelque part, trois conditions doivent être réunies :
1. La présence d’eau liquide
2. La présence de carbone, d’hydrogène, de souffre, d’oxygène, d’azote et de phosphore dans des proportions suffisantes
3. L’existence d’une source d’énergie (dans la plupart des cas, il s’agit de la photosynthèse ou de la digestion de matériaux issus de la photosynthèse).
Or, l’ensemble de ces éléments ont été relevés dans la zone explorée par Curiosity où ce lac se serait formé. Cette découverte vient donc renforcer encore un peu plus l’hypothèse d’un environnement favorable à la vie sur Mars.
Nous disposons peu à peu d’un nombre non négligeable de certitudes à ce sujet.
Un lac semblable à ceux que l’on observe sur Terre
Selon les données transmises par Curiosity, la zone explorée apparaît aussi comme un endroit très peu acide, neutre. Concrètement, ce lac avait de grandes chances de ressembler à ceux que l’on peut observer sur Terre, avec, notamment, de la boue au fond et des roches sur les bords.
Il est intéressant de noter d’ailleurs, à propos de ces roches, que celles qui ont été observées se révèlent très peu altérées chimiquement. Cela signifie qu’elles ont été relativement bien préservées.
Cette découverte est intéressante à plus d’un titre. Elle permet notamment d’en savoir un peu plus sur le type de climat qui régnait à cet endroit de Mars.
Le bon état de ces roches laisse à penser que ce lac s’est formé dans un environnement aride et probablement froid. Un environnement peut-être proche, en fait, de celui des valées sèches que l’on trouve en Antarctique aujourd’hui, à savoir une température moyenne de – 30 degrés, avec de la glace. La présence d’eau liquide s’expliquerait par des périodes de fonte de glace.
C’est un scénario d’une Mars autrefois glacée sur lequel je travaille depuis quelques années, et cette nouvelle découverte semble aller dans ce sens.
Des questions restent en suspens
Si ces révélations sont importantes, de nombreuses questions restent toutefois à résoudre.
Il serait intéressant, par exemple, de savoir pendant combien de temps a existé ce lac. L’équipe de Curiosity estime qu’il a fallu au moins quelques centaines d’années pour déposer ce qui reste des sédiments lacustre après érosion, mais qu’il n’est pas impossible qu’à l’origine, des dépôts plus épais nécessitant des millions d’années pour se déposer étaient présents.
Le meilleur moyen d’apporter la preuve qu’il y ait eu de la vie sur Mars serait, bien entendu, de trouver un fossile. Mais, avant qu’une telle révolution intervienne, il reste bien d’autres recherches à mener. Le mini laboratoire SAM à bord de Curiosity semble avoir mis en évidence la présence de molécules riches en carbone, peut-être organiques, dans les argiles. C’est un premier pas.
La principale question sur laquelle il nous faut travailler désormais concerne la formation des argiles. Sont-ils le résultat d’une longue altération d’eau liquide, sur plusieurs milliers d’années, ou ont-ils été transportés sur ce lieu par de l’eau de manière ponctuelle ?
L’analyse des géologues de la mission penche pour la première hypothèse. Si cela est confirmé, c’est, de mon point de vue, une excellente surprise, qui confirme l’intérêt du site exploré par Curiosity en suggérant que la réunion des conditions de la vie sur Mars s’est faite à cette endroit pendant de longues durées.
Par François Forget Planétologue, spéciliste de Mars (Propos recueillis par Sébastien Billard)