Le président des États-Unis a annoncé mardi qu’il rétablissait le régime de sanctions abandonné après la conclusion de l’accord en 2015.
C’était une promesse de campagne. Après des mois de menaces et d’admonestations, à répéter qu’il allait «déchirer» l’accord sur le nucléaire iranien, Donald Trump a tenu parole. C’est depuis la Maison Blanche que le président américain a annoncé peu après 14 heures (heure locale, 20 heures à Paris), qu’il rétablissait les sanctions levées en contrepartie de l’engagement pris par l’Iran, en 2015, de ne pas se doter de l’arme nucléaire. «J’annonce aujourd’hui que les Etats-Unis vont se retirer de l’accord nucléaire iranien», a-t-il déclaré dans une allocution télévisée. Ce faisant, il ouvre une période d’incertitude quant aux ambitions atomiques de Téhéran et de vives tensions avec ses alliés européens.
» Ce que contient l’actuel accord iranien
Dénonçant avec force cet accord «désastreux», le locataire de la Maison Blanche a assuré avoir la «preuve» que le régime iranien avait menti sur ses activités nucléaires. Donald Trump n’a donné aucune précision sur la nature des sanctions qui seraient rétablies, ni à quelle échéance, mais il a mis en garde: «tout pays qui aidera l’Iran dans sa quête d’armes nucléaires pourrait aussi être fortement sanctionné par les Etats-Unis». Les entreprises étrangères auront quelques mois pour «sortir» d’Iran, a précisé dans la soirée son directeur du Conseil de sécurité nationale, John Bolton.
Paris, Londres et Berlin regrettent
Peu après cette annonce, Emmanuel Macron a réagi sur Twitter, déclarant qu’il travaillerait «collectivement à un cadre plus large, couvrant l’activité nucléaire, la période après 2025, les missiles balistiques et la stabilité au Moyen-Orient, en particulier en Syrie, au Yémen et en Irak.»
Mais le président français, qui s’était entretenu dans l’après-midi avec ses homologues américain, allemand et britannique, a dit «regretter», au même titre que Berlin et Londres, la décision de Donald Trump. «Le régime international de lutte contre la prolifération nucléaire est en jeu», a-t-il écrit.
De son côté, le premier ministre isréalien Benjamin Nétanyahou a dit soutenir «totalement» la décision «courageuse» de Trump. «Israël soutient totalement la décision courageuse prise aujourd’hui par le président Trump de rejeter le désastreux accord nucléaire» avec la République islamique, a-t-il déclaré en direct sur la télévision publique dans la foulée de la déclaration du président américain.
L’Arabie saoudite a salué peu après la décision de Donald Trump de rétablir les sanctions contre l’Iran et de dénoncer l’accord de 2015 sur le programme nucléaire de Téhéran, a fait savoir la télévision saoudienne.
» Trump aurait engagé une agence israélienne pour discréditer l’accord sur le nucléaire iranien
Cette décision risque, pensent les experts, de «tuer» l’accord conclu à Vienne par Téhéran avec les États-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne après plus de dix ans de tensions sur le programme nucléaire iranien et un marathon diplomatique. Tous les autres signataires ont défendu jusqu’au bout ce compromis qu’ils jugent «historique». «Nous sommes tout à fait déterminés à sauver cet accord parce que cet accord nous préserve de la prolifération nucléaire», avait réaffirmé lundi le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian.
L’annonce de mardi va elle aussi avoir des répercussions encore difficiles à prédire. Les Européens ont fait savoir qu’ils comptent rester dans l’accord quoi qu’il advienne. Mais que vont faire les Iraniens? Pour l’instant, Téhéran, où cohabitent des ultraconservateurs autour du guide suprême Ali Khamenei et des dirigeants plus modérés autour du président Hassan Rohani, a soufflé le chaud et le froid, menaçant de quitter à leur tour l’accord de 2015, de relancer et accélérer le programme nucléaire, ou alors en laissant entendre qu’ils pourraient y rester si les Européens pallient l’absence américaine.
«America first»
«Notre politique étrangère est fondée sur des relations constructives avec le monde», avait déclaré Hassan Rohani, quelques heures avant la décision de Donald Trump. «Que nous soyons sous sanctions ou pas, nous devons voler de nos propres ailes». Au-delà des premières réactions, devrait donc s’engager une phase de tractations en coulisses. Même après mardi, «il y a encore beaucoup d’efforts diplomatiques à mener», a estimé récemment le nouveau secrétaire d’État américain Mike Pompeo.
Depuis qu’il n’était qu’un candidat républicain à la présidence, Donald Trump voue aux gémonies ce «plan d’action» conclu sous l’administration de son prédécesseur démocrate Barack Obama, auquel il reproche des «lacunes désastreuses». En janvier, il avait lancé un ultimatum aux Européens, leur donnant jusqu’au 12 mai pour le «durcir» sur plusieurs points. Et Paris, Londres et Berlin, qui ne juraient il y a encore quelques mois que par cet accord, tout l’accord mais rien que l’accord, ont joué le jeu en négociant avec les diplomates américains des solutions à ces préoccupations.
Malgré la réprobation internationale, c’est déjà au nom de son slogan «America First», «l’Amérique d’abord», que le président de la première puissance mondiale a renié plusieurs engagements multilatéraux, comme l’accord de Paris sur le climat ou le traité de libre-échange transpacifique, et en réponse à une autre promesse de campagne qu’il a décidé de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël.
(Lefigaro.fr avec AFP,08-05-2018)