19 mars 2024

Parcours politique de Feu Ferhat Abbas

Ferhat AbbasParcours politique de Feu Ferhat Abbas par Mme Leila BENMANSOUR,Docteur en Sciences de l’Information et de la Communication et Membre du CNRS (France)

Texte intégral de la conférence sur le parcours politique de Ferhat ABBAS, donnée à Sétif

(Maison de la Culture) le 24 Décembre 2011, à l’invitation de l’Association des Ancien(ne)s

Elèves des Lycées Mohamed Kerouani et Malika Gaid

Mesdames, Messieurs

Chers compatriotes

Avant toute chose, permettez-moi de faire mes salutations fraternelles à l’ensemble de la population héroïque de Sétif, la ville martyre, marquée au fer rouge, du 8 mai 1945. Cette population héroïque, suivie de celle de Guelma et Kherrata, amputées dans leur chair de milliers de leurs enfants. Ce qui ne s’oublie pas de génération en génération.

Ces salutations étaient nécessaires pour que nul n’oublie. Car vos morts sont aussi les nôtres, et ils ne nous pardonneraient pas de ne se souvenir d’eux que lors des commémorations officielles, car chaque jour qui est nôtre doit aussi être le leur, car nous ne sommes ici en tant que peuple libre que grâce à leurs sacrifices.

Mes salutations vont aussi à mes hôtes, monsieur Toufik Gasmi, président de l’association des anciens élèves des lycées Mohamed Kerouani et Malika Gaïd, auteur de l’ouvrage « Nous étions lycéens. Une nostalgie sétifienne »,ainsi que les honorables membres de cette association qui m’ont fait l’honneur de me convier parmi eux en ce jour solennel de la commémoration du 26ème anniversaire du décès du regretté Ferhat Abbas, président du GPRA, fils adoptif de Sétif qui l’a accueilli, l’a choisi pour le représenter, l’a aimé, l’a soutenu, l’a toujours honoré et le grand homme le lui a si bien rendu.

Permettez-moi aussi de saluer les personnalités présentes en leur qualité d’autorités locales, venus rendre hommage à l’homme qui mérite tous les honneurs.

Et de remercier plus particulièrement monsieur le recteur de l’université Ferhat Abbas de Sétif, d’avoir accepté d’être le modérateur de cette conférence, ce qui m’honore au plus haut point, d’autant plus que cette université porte le nom du grand homme objet de notre réflexion aujourd’hui.

Je remercie toutes les personnes, de Sétif ou d’autres villes, qui se sont déplacées pour vivre avec nous ce moment solennel du 26ème anniversaire du décès de Ferhat Abbas.

Mes salutations vont enfin aux membres de la famille Abbas et alliés, et particulièrement à M. Abdelhalim Abbas, fils de Ferhat Abbas, qui par sa seule présence parmi nous a apporté avec lui l’odeur imprégnante de l’homme illustre.

Chers hôtes de l’association des anciens élèves des lycées Mohamed Kerouani et Malika Gaïd, ces anciens élèves que vous représentez sont votre fierté, non seulement parce que certains d’entre eux ont fait partie de la crème de l’élite de l’Algérie indépendante, mais aussi parce que d’autres anciens élèves de ces mêmes lycées, à un jeune âge, celui de l’adolescence, avaient rejoint la révolution algérienne, et certains d’entre eux sont morts au champ d’honneur.

Voilà une double raison, qui fait que l’existence de votre association vous honore au plus haut point.

Votre association porte le nom de deux valeureux martyrs, et grâce à votre invitation, j’ai pu rappeler à ma mémoire que Malika Gaïd, bien qu’originaire de Sétif, est en fait belcourtoise comme moi, elle rejoint le maquis où elle est infirmière.

C’est l’arme à la main qu’elle tombe au champ d’honneur le 16 octobre 1961.

Son compatriote, Mohamed Kerouani, enfant de Sétif, est alors un jeune lycéen, lorsqu’il meurt pour sa patrie le 16 octobre 1961.

L’occasion est heureuse de se souvenir de ces deux martyrs, en un jour tel que celui-ci, où nous commémorons le décès de celui que nous considérons aussi comme un martyr, parce qu’il est mort avec dans son coeur la terrible souffrance de l’injustice.

Mais l’occasion est heureuse parce que cet hommage ravive le grand homme et le rend présent parmi nous.

Chers hôtes de cette honorable association, vous m’aviez conviée parmi vous pour m’exprimer au sujet de Ferhat Abbas, qui a fait ses premiers pas en politique à Sétif, dans les années 1930 et où il se forgea au fur et à mesure du temps, une carrière de politicien chevronné.

C’est à partir de Sétif la glorieuse que le nom de l’homme illustre résonna, pour devenir incontournable dans la question algérienne. Et c’est vers Sétif qu’il revint triomphant, en 1962, face à une foule en liesse l’accueillant en héros. Et c’est au cimetière Sidi El Kheir qu’il avait émis le voeu d’être enterré, mais sa place se devait d’être à El Allia, auprès des grands de notre nation.

Qui donc connait mieux Ferhat Abbas que les sétifiens eux-mêmes ?

Qui donc connaît mieux Ferhat Abbas que vous-mêmes qui êtes aujourd’hui en présence dans cette honorable enceinte ?

Il est donc bien difficile à qui que ce soit de vous parler d’un homme que vous connaissez mieux que personne.

Vous êtes certainement très exigeant lorsqu’il s’agit de parler de Ferhat Abbas, et vous avez bien raison. Vous êtes certainement en attente du « plus » et non de ce que vous connaissez déjà. Ma situation est donc bien ardue d’abord de ne point vous décevoir, et ensuite d’essayer de vous surprendre par des informations complémentaires ou par de l’inédit.

Que ce soit l’une ou l’autre des situations, il est certain en tous cas, que vous et moi, avons pour le grand homme respect, admiration et reconnaissance,et c’est cela l’essentiel.

Vous ne pouvez savoir le bonheur qui est le mien aujourd’hui de me retrouver dans sa ville de prédilection face aux Sétifiens qu’il a tant aimés. Et ce bonheur est d’autant plus grand que je n’ai jamais pensé mon travail vain, car j’avais foi en mon pays qu’un jour ou l’autre le grand homme retrouverait sa place prés de son peuple, cette place qu’il n’aurait jamais dû quitter.

Oui, j’avais foi qu’un jour ou l’autre le peuple algérien recevrait le message de la vérité.

Mais durant toutes ces années de recherche et de réflexion sur ce grand homme, j’étais à mille lieux d’imaginer que Ferhat Abbas, dans sa tombe,n’avait pas dit ses derniers mots. C’est alors que vint vers nous son dernier message fait d’espoir et d’optimisme, à travers un livre posthume « Demain se lèvera le jour », et c’est en père de la nation, qu’il s’adresse à son peuple, et surtout à la jeunesse algérienne objet depuis toujours de ses préoccupations,pour lui rappeler que rien n’est perdu et que tout est encore possible.

Ce livre posthume est arrivé à son heure, à la veille même de grands bouleversements internationaux, et plus précisément dans le monde arabe,comme quoi, le visionnaire a encore une fois prouvé, s’il fallait encore une preuve, qu’il était en avance sur son temps.

Avec le coup de génie du Manifeste et des AML qui lui permit de faire l’union autour de lui.

Avec l’UDMA, ce parti qui lui permit d’avoir non seulement une envergure nationale, mais aussi internationale.

Avec la présidence du GPRA, qui après l’assassinat du valeureux Abane Ramdane, lui a permis de ressouder les troupes pour sauver la révolution.

Et c’est le même coup de génie de celui qui reprit son bâton de pèlerin en 1962, de Sétif direction Tlemcen pour sauver le pays d’une guerre fratricide annoncée.

Et c’est le même coup de génie avec « Demain se lèvera le jour », sans surprise aucune, c’est le même homme, visionnaire, il est vrai, mais préoccupé que par une seule chose, le bien-être de son peuple.

Et l’on se dit que c’est quand même extraordinaire que ce message d’espérance et d’optimisme arrive à la veille d’évènements aussi gravissimes pour nous donner la force de résister et d’épargner à notre cher pays une autre déchirure.

A la suite de la publication dans son pays, comme tel fut son désir, de « Demain se lèvera le jour », son oeuvre dans son ensemble, victime jusque là du scellé de l’injustice, est alors rééditée en Algérie. Le voeu de Ferhat Abbas que ses livres soient lus des jeunes Algériens est dés lors exaucé.

Là où il se trouve, et nous l’espérons grâce à Dieu, au paradis éternel, le grand homme est inchaâlah apaisé.

Aujourd’hui le soleil s’est levé sur notre cher pays, et le grand homme a retrouvé sa place prés de son peuple, plus grand et plus vivant que jamais.

La preuve en est, nous sommes là tous ensemble, vous les sétifiens de son coeur, nous tous les Algériens, pour rendre hommage à cet homme qui nous dédia sa vie avec abnégation. Nous lui devons la reconnaissance. Et c’est en algérienne reconnaissante, que je suis là, face à vous, aujourd’hui.

Pourquoi devons-nous être reconnaissant envers le grand homme ?

Parce que, comme je viens de le dire, il a dédié sa vie entière et avec abnégation, à la cause de son peuple, et souvent au péril de sa vie. Et son combat politique a débuté alors qu’il n’avait que 20 ans, alors que les jeunes de son âge ne sont préoccupés que par les questions de leur âge, lui va déjà se positionner dans la cour des grands, pour défendre la cause de sa communauté.

Cette communauté indigène confrontée à l’infâme code de l’indigénat qui faisait de l’indigène un être mineure, surveillé, brimé au quotidien.

Ce code de l’indigénat,Ferhat Abbas n’aura de cesse que de le voir aboli.

Président de l’association des étudiants d’Afrique du nord, et au sein d’étudiants européens, il portera, tel un défi, marquant sa différence, la toque d’astrakan, symbole de son identité musulmane, et clin d’oeil à Kemal Attatürk,qu’il admirait dans sa jeunesse, et dont il emprunta une composition d’un pseudonyme Kamel Abencérages pour signer ses articles.

Cette réussite turque qui lui permit de croire qu’un jour ou l’autre, l’Algérie serait à son image, un pays libre, une nation démocratique et moderne.

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