19 avril 2024

Parcours politique de Feu Ferhat Abbas

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L’Entente un camp de guerre, au point que Kessous a quitté sur le champ

le journal pour la France, afin de ne pas cautionner ce qui était contraire

ses idéaux, car il ne voulait pas entendre parler de lutte armée.

Bendjelloul savait mieux que personne que Ferhat Abbas était

déterminé à en découdre avec le colonat, quitte à y laisser sa vie. Il savait

que Ferhat Abbas déclencherait cette lutte armée que tous les élus

redoutaient à l’exception de Ferhat Abbas.

En effet, en 1948, Ferhat Abbas est déjà sur une autre dimension, et

cette élite réfractaire il ne va plus la ménager. Ces « bni-oui-oui » comme

il les appelait, il va se faire un malin plaisir de les tourner en dérision, et

donner dans son journal le nom des traîtres.

Il n’a pas peur qu’on lui réglât son compte. En fait il n’a peur de

rien. Dans cet après 2éme guerre mondiale, il est sur tous les fronts. Prêt à

mourir pour libérer son peuple de l’oppression coloniale.

b) Cette élite indigène, tout compte fait Ferhat Abbas n’en voulait plus.

L’intérêt de la nation algérienne était plus précieux à ses yeux que cette

élite qu’il avait assez ménagée, et qui lui avait fait perdre un temps

précieux, et ceci il le savait. Mais il savait aussi que sa contribution lui

avait été nécessaire, une partie de sa vie politique.

Ferhat Abbas n’a jamais été ingrat, raison pour laquelle il aura les mots qu’il

faut à l’égard de Mohammed El Aziz Kessous, dans « L’indépendance

confisquée », rappelant son amitié à son égard, et l’engagement de l’homme

pour la cause algérienne. Il aura aussi beaucoup d’indulgence, plus tard, à

l’égard du docteur Bendjelloul saluant son courage d’avoir signé la motion des

60 élus soutenant le déclenchement de la révolution algérienne.

c) En parlant d’autonomie, Ferhat Abbas n’était pas sans ignorer que le gros

colonat ne l’accepterait jamais. Ce gros colonat qui fit capoter le projet

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Blum-Viollette en 1938, lançant avec arrogance qu’il n’accepterait jamais

qu’un seul arabe soit maire. Comment dans ce cas, accepterait-il que les

Algériens dirigeraient leur propre destin ? La proposition d’autonomie

n’était donc qu’un leurre (donner l’expression en arabe). Le politicien

chevronné savait ce qu’il faisait.

Car le projet Viollette lui-même n’a-t-il pas été un leurre, une moquerie,

laissant l’élite indigène en attente durant plusieurs années, lui donnant

tous les espoirs, et il avait suffit que les maires d’Algérie démissionnent

en masse et voilà les gouvernants de l’heure capitulant devant leurs

exigences en retirant définitivement ce projet ?

En 1948, il lance donc son appel à la lutte armée, dans son journal qui

prend désormais pour titre « La République algérienne », il hôte le terme

« égalité ». Vous l’avez compris, l’homme est déjà dans la guerre.

Il est rejoint par deux poids lourds Ahmed Boumendjel et Ahmed Francis,

qu’un certain historien appelle ironiquement « ses deux lieutenants ». Mais ils

ne seront pas les seuls. Les membres de l’UDMA sont issus de toutes les

couches sociales de la communauté indigène. Le peuple algérien voit en ces

hommes, ceux qui mèneront l’Algérie à disposer librement d’elle-même. Il a la

foi que la fin de l’oppression coloniale ne saurait tarder.

Il est désormais entouré par des hommes de la nouvelle génération,

instruits, déterminés, et prêts à en découdre avec l’adversaire. Il saura

merveilleusement s’adapter à l’émergence de cette nouvelle génération, et c’est

cela qui fera la différence avec un Messali, qui lui, s’opposera à la jeunesse

MTLD, une jeunesse pressée de passer à l’action, que Messali voulait freiner, et

qui finit par se détacher de lui et déclarer la guerre le 1er novembre 1954, au nom

du CRUA, sans se référer à lui.

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C’est cela entre autres qui perdra Messali.

Etrange coup du sort, cette jeunesse MTLD, se tournera vers Ferhat

Abbas, par l’intermédiaire de Abane Ramdane, pour lui demander de la soutenir

et l’aider dans cette guerre. Ce que notre grand homme, comme vous le savez

tous, fit sans hésitation.

Mais revenonsà l’année 1948, Ferhat Abbas était sûr d’être prêt du but, les

portes sont déjà ouvertes du côté du Caire, de Tunis, de Rabat, et même

d’Islamabad. Ahmed Boumendjel et Ahmed Francis, que nous préférons appeler

ses deux ministres plutôt que ses deux lieutenants, car la République algérienne

démocratique et sociale est effective dans les textes de l’UDMA, et ces deux

hommes lorsqu’ils se rendaient en mission à l’étranger, il l’était certes au nom

de l’UDMA, mais aussi en tant que ministres de la future république algérienne.

Mais dés que Ferhat Abbas lance en 1948 son appel à la lutte armée, l’OS,

organisation spéciale (ou secrète) branche du MTLD (ex-ENA-PPA) déclenche

l’attaque de la poste d’Oran. Coïncidence étrange en effet.

Ce dont je suis sûre aujourd’hui, c’est que L’Entente et Egalité- La

République algérienne, sont un passage obligé pour qui veut comprendre

l’itinéraire politique de Ferhat Abbas, et non seulement, car toute la question

algérienne est là. Cette presse est donc un enseignement

Ferhat Abbas l’homme politique dédoublé de l’homme de presse fut et

reste une perle rare comme le monde n’en a jamais connu, et il faut insister pour

le dire. Un grand homme que l’Algérie a eu le bonheur d’enfanter et qu’aucune

nation au monde ne pourrait concurrencer notre pays, d’avoir enfanté le même.

Ferhat Abbas est le seul homme politique au monde à avoir mené un si

long combat de 1920 à 1962, contre l’oppression coloniale, haché par les

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brimades et la prison, une guerre de libération nationale de prés de huit ans. Et

ceci sans oublier la prison et la résidence surveillée durant l’indépendance

confisquée. Qui dit mieux ? Personne.

Toutes ces années où il battait le fer avec le colonat, et ceci dés 1920,

alors qu’il n’avait que 20 ans, devenant au fur et à mesure de son ascension « La

tête de Turc » de l’administration coloniale, l’homme à éliminer du circuit coûte

que coûte, car trop instruit, trop intelligent, trop subtil, de ceux à qui on ne la fait

pas, quitte à le déstabiliser de médisances en médisances, quitte à diffamer son

honneur.

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