Dans un entretien filmé publié par Mediapart, l’homme d’affaires affirme leur avoir transmis cinq millions d’euros entre la fin 2006 et le début 2007.
Ce sont des accusations qui viennent s’ajouter à la longue liste de soupçons concernant le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy par de l’argent remis par le régime libyen de Mouammar Kadhafi. Dans un entretien filmé, publié mardi 15 novembre par Mediapart, Ziad Takieddine, intermédiaire franco-libanais, affirme avoir remis à trois reprises des valises d’argent libyen à Claude Guéant et Nicolas Sarkozy entre la fin de 2006 et le début de 2007, pour un montant total de cinq millions d’euros.
L’intermédiaire affirme avoir remis deux valises à Claude Guéant, dans son bureau, quand il était directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur. Il aurait transmis une troisième valise à M. Sarkozy en personne dans son appartement privé. Des faits qu’il se dit prêt à raconter à la justice. « J’ai découvert des choses qui ne méritent plus d’être cachées », a-t-il déclaré à Mediapart ajoutant vouloir « raconter exactement les faits de l’intérieur ». « Je veux dénoncer l’Etat mafieux dans lequel on est en train de vivre. Je n’en peux plus », ajoute-t-il, évoquant ce qu’il a « vu depuis 1993 jusqu’à aujourd’hui ».
Des informations « tout à fait crédibles »
Ce n’est pas la première fois que Ziad Takieddine jette des soupçons sur l’ancien chef de l’Etat dans ce dossier. Mis en examen dans l’affaire Karachi, sur le financement occulte de la campagne d’Edouard Balladur en 1995, M. Takieddine avait affirmé dès 2011 à la justice que « les informations révélées par la presse » concernant le financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy lui semblaient « tout à fait crédibles ». Il faisait alors référence aux accusations révélées par Mediapart d’un ex-dignitaire libyen affirmant que Tripoli avait décidé de financer pour « 50 millions d’euros » la campagne de M. Sarkozy en 2007.
L’intermédiaire franco-libanais avait notamment été au cœur de la négociation de plusieurs contrats militaires entre la France et la Libye entre septembre et décembre 2005, pour le compte du ministère de l’intérieur. Il avait, selon Mediapart, organisé plusieurs visite en Libye pour MM. Guéant et Sarkozy, ainsi que pour Brice Hortefeux pourtant à l’époque ministre délégué aux collectivités territoriales.
Ses déclarations avaient provoqué l’ouverture d’une enquête le 19 avril 2013 pour « trafic d’influence », « faux et usage de faux », « abus de biens sociaux », « blanchiment, complicité et recel de ces délits ». Une enquête tentaculaire, dans laquelle les enquêteurs peinent à mettre la main sur les preuves qui corroboreraient la multiplicité des témoignages accablant Nicolas Sarkozy.
Guéant nie, Sarkozy se tait
Interrogé par Mediapart, Claude Guéant a nié en bloc les nouvelles accusations de l’intermédiaire :
« Je n’ai jamais reçu d’espèces du gouvernement libyen, non plus de quiconque d’autre du reste. Je n’en ai pas davantage vu passer. Le prétendre est mensonger et diffamatoire. »
L’entourage de Nicolas Sarkozy, contacté par le site d’information, n’a pour sa part pas souhaité réagir.
(LE MONDE | 15.11.2016 à 10h27)