26 avril 2024

Parcours politique de Feu Ferhat Abbas

S’il était en vie aujourd’hui, je n’ose imaginer son état d’esprit en apprenant que des corps sont rejetés par la mer, symbole d’une jeunesse en désespérance.

– Egalité des droits devant le service militaire (trois ans pour les indigènes, et 18 mois pour les français d’Algérie).

– Egalité des droits devant la santé, raison pour laquelle Ferhat Abbas réclamaient régulièrement la construction d’hôpitaux, de dispensaires dans les régions reculées du pays.

– La construction de routes pour permettre aux paysans de sortir de l’isolement,et pouvoir accéder aux hôpitaux, aux écoles, à l’administration, commercer…etc

– Egalité des droits devant la justice bien sûr, car ce code de l’indigénat régissait à sa manière, punitive, les questions relevant de ce domaine.

Il avait aussi une idée derrière la tête, amener la France à édifier le pays par la construction des routes, des hôpitaux, des écoles…etc, avant de le quitter.

Raison pour laquelle durant la première période du journal L’Entente, Ferhat Abbas s’empare de la question économique, développant ses revendications en ce sens.

Mais si préparer les Algériens à de meilleures conditions de lutte, et si la revendication de l’égalité des droits faisait le consensus au sein de l’élite indigène, cette première étape, à laquelle ses détracteurs cantonnent à tort mais sciemment, son combat politique alors que pour lui ce n’était qu’une étape mais nécessaire, ne pouvait réussir que par la représentation parlementaire des élus indigènes au parlement français, là bas en Métropole où elle se devait d’être plaidée.

Pour cela un projet, celui de Maurice Viollette, devenu plus tard projet Blum-Viollette, va faire naître tous les espoirs.

Ce projet qui, justement allait permettre la réalisation de l’espoir de l’élite indigène, cette représentation parlementaire, projet en passe d’être adopté à l’assemblée française en 1937.

Cette élite indigène exulte, mais le colonat veille, et fera capoter le projet de l’espoir, qui sera définitivement enterré en 1938.

C’est la fin des illusions pour l’élite loyaliste (celle des Bendjelloul et des Kessous) qui avait cru jusqu’au bout que la France finirait par répondre à ses revendications.

L’élite indigène est sous le choc. Les choses se précipitent.

Et on pourrait même dire que ce projet va créer une fissure dans cette élite, d’un côté il y a ceux qui ne veulent pas perdre espoir, et voudront ressusciter ce fameux projet,c’est la mouvance Bendjelloul.

De l’autre ceux qui n’en s’en remettent pas, parce qu’ils ont été les défenseurs les plus acharnées de ce projet viollette, et l’abattement les fera se retirer un moment pour méditer l’échec, et ici je parle de la tendance Kessous, ce Kessous pour qui le « vivre ensemble » idéalisé à l’extrême l’aveuglait, il prend d’ailleurs du recul et se retire en France en 1937.

Mais il en est un que rien ne peut abattre, c’est Ferhat Abbas, pour lequel cet échec n’est que la suite logique de l’algérianisme, Ferhat Abbas pour lequel ce rejet du projet viollette n’est pas un échec, mais est une confirmation de ce en quoi il a toujours cru, le colonat ne s’inclinerait jamais.

Il rebondit sans tarder, et en cette même année 1938, il crée son premier parti politique, l’UPA, d’une part pour lancer un message aux colonialistes,

« nous sommes debout, vous ne réussirez pas à nous abattre », d’autre part cette élite indigène hostile à l’idée d’indépendance le fatigue, il veut s’affranchir de cette élite indigène déroutée, et qui ne sait plus ce qu’elle veut, et d’autre part afin de mettre en exécution ses propres idées indépendantistes.

Si jusque là, dans l’esprit de Ferhat Abbas l’idée d’indépendance était bel et bien la seule issue, il voulait par contre éviter le bain de sang, comme dit précédemment, c’était son seul soucis, son soucis majeur, car il ne voulait pas voir son peuple mourir.

Il réfléchissait au moyen d’arriver à cet indépendance en évitant les morts, qui il savait se compterait par milliers, et pourquoi pas le génocide promit par Charles Courtain.

Mais en analysant L’Entente, on constate clairement qu’après l’enterrement du projet viollette en 1938 :

1° L’idéal d’égalité est bel et bien mort dans l’esprit de Ferhat Abbas.

2° L’idée de lutte armée est bel et bien dans son esprit, et le lecteur la ressent par la violence du verbe, car l’homme ne ménage plus personne.

A l’égard du colonat, ses propos n’ont plus de limite, il va jusqu’à la provocation,employant les mots symbole de guerre.

3° Les prémisses de rupture entre Ferhat Abbas et l’élite indigène hostile à l’indépendance commencent à se faire sentir, mais il garde quand même le lien,du moins pour un moment.

Raison pour laquelle, selon le résultat de ma recherche, je considère que l’année 1938, comme une année clé dans l’itinéraire politique de Ferhat Abbas.

A partir de cette date, Ferhat Abbas fait de cette tribune de L’Entente, un véritable « camp de guerre », ses éditoriaux sont d’une violence inouïe contre le colonat.

Si les prémisses de rupture avec l’élite indigène hostiles à l’idée d’indépendance sont bien là, avec l’élite politique française d’Algérie c’est la rupture définitive.

Il l’écrit, il le signe. Et signe son article annonciateur son projet politique « Vivre libre dans notre pays ».

Désormais il appelle les colons à sortir dans la rue et se dit prêt à se battre les mains nues.

Et dans tous ses articles, c’est la même force de conviction que désormais plus rien ne sera comme avant.

Mais j’ai bien dit pour s’affranchir de cette élite indigène et non de s’en séparer, car Ferhat Abbas a toujours été un homme de consensus, jamais juge.

A quoi bon bousculer cette élite, alors qu’il valait mieux l’avoir dans son camp ?

En fait il a toujours pensé qu’il arriverait à la convaincre de l’indépendance nécessaire, s’il le fallait par la lutte armée. Mais ni le docteur Bendjelloul, ni Mohamed El Aziz kessous ne l’entendaient de cette oreille. Mais nous constatons que Bendjelloul laisse faire.

Il se met en retrait, et donne carte blanche à Ferhat Abbas.

Ce dernier en profite pleinement, et ne prend plus de gans, le colonat en prend pour son grade. Retenons à ce niveau que si Bendjelloul soutenait à 100/100 Ferhat Abbas dans ses attaques contre le colonat, qui redoublaient d’intensité à chaque nouvelle édition de L’Entente, il faut croire que la fédération des élus, n’était pas en reste, car il serait difficile d’imaginer que Bendjelloul agisse sans consulter ces élus qui l’avaient élu président de leur fédération.

Mais si les prémisses de rupture avec cette élite étaient bien là, Ferhat Abbas, tant qu’il n’avait pas de parti politique pour le renforcer, continuait malgré tout à la ménager. Car le premier parti l’UPA qu’il venait de créer n’ira pas bien loin, la 2ème guerre mondiale est aux portes de l’Algérie.

Il cherche alors le moyen qui ferait le consensus entre toutes les mouvances politiques indigènes et qui mènerait l’Algérie à disposer librement d’elle-même.

Mais afin d’éviter ce bain de sang qui le répugnait lui-même, il décide de faire l’ultime geste envers l’état français.

Ce sera le rapport adressé au

maréchal Pétain en 1941. Ce maréchal, gouvernant de l’heure de la France alors

que ce pays est confronté à une double guerre, celle que lui déclarait

l’Allemagne et celle contre le nazisme.

Mais, il ne faut pas se méprendre sur ce Rapport, car si Ferhat Abbas a

décidé de le rédiger et de l’adresser au maréchal Pétain, ce n’est pas tant parce

qu’il espérait ou croyait qu’il serait entendu, mais pour au moins deux raisons :

1° Pour prouver à l’élite indigène hostile à l’idée d’indépendance, et qui

malgré l’enterrement du projet viollette continuait à croire au miracle, que ce

Rapport resterait sans réponse et qu’il n’y a rien à attendre et qu’il faudrait

passer à l’étape ultime.

2° Pour prouver aux Français d’Algérie indigénophiles, favorables aux

vivre ensemble, mais hostiles à l’idée d’indépendance, qu’il aurait tout tenté, et

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que ce n’était pas faute d’avoir essayé, car cette élite française intéressait Ferhat

Abbas. Lorsqu’on se bat pour une cause, plus on a d’amis, et mieux c’est.

Ce Rapport, comme dans tous ses écrits d’ailleurs, est d’excellence, il y

fait une analyse scientifique de la situation de l’Algérie où l’indigène est l’enfant

pauvre, et fait des propositions pour sortir son peuple de cette terrible misère où

la colonisation l’enfonçait. Il le rédige avec le plus grand sérieux, car après tout,

peut-être que….

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